Les conditions géographiques de mise en liberté et de probation et leur impact sur les personnes marginalisées à Montréal

Mar 1, 2018 | Publications de l’ODP (2012-2016)

Consultez le rapport en français sur Montréal

Ce rapport de recherche porte sur certaines conditions géographiques (ex. l’interdiction d’être dans certains périmètres ou quadrilatères, l’interdiction d’aller dans certains lieux publics, les interdictions de contact ou d’association, les assignations à résidence et couvre-feux et les interdictions de manifester) imposées lors de la mise en liberté et de la peine à des personnes marginalisées qui utilisent les espaces publics pour y vivre, survivre, travailler et exprimer leurs opinions politiques. Cette recherche a été menée dans quatre villes canadiennes (Montréal, Ottawa, Toronto et Vancouver).

Le rapport dresse les constats suivants suite à l’analyse des données issues de la Cour municipale de Montréal :

  • Contrairement aux prescriptions de la Charte canadienne (art. 11e), du Code criminel (art. 515) et de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada (R.c. Antic), la mise en liberté sans condition est tout à fait exceptionnelle à la Cour municipale de Montréal. Entre 2002 et 2014, seules 4.7% des personnes libérées (en excluant les personnes détenues) l’étaient sans condition ou engagement. C’est donc dire que si l’on fait abstraction des personnes détenues dans l’attente de leur procès, 95,3% des décisions judiciaires prises à ce stage comprenaient l’émission de conditions.
  • Les infractions contre l’administration de la justice (IAJ) représentent 42,9% de toutes les infractions, à partir d’une extraction de données sur les infractions les plus susceptibles de s’appliquer aux personnes marginalisées.
  • Les infractions d’attroupement illégal touchent davantage les jeunes alors que les infractions liées à la prostitution visent directement les femmes.
  • Les peines de probation, les peines suspendues et les peines d’emprisonnement avec sursis contiennent toutes un très grand nombre de conditions liées au contrôle spatial, soit en moyenne 6,22 conditions.
  • L’accumulation de dossiers est fortement associée aux infractions contre l’administration de la justice (IAJ). Ainsi, la récidive est institutionnelle plutôt que criminelle.

Les entretiens réalisés auprès de personnes judiciarisées et auprès des juges, procureurs et avocats ont mené aux constats suivants :

  • Au stade de la mise en liberté, les prévenus qui comparaissent détenus ne disposent pratiquement d’aucun rapport de force et ne remettent que très rarement en question les conditions imposées. Le volume de dossiers, la vitesse à laquelle
  • Les acteurs judiciaires imposent les conditions en suivant une chaîne décisionnelle initiée par les policiers. De façon générale, les conditions sont ainsi suggérées par la police, examinées et relayées par les procureurs de la poursuite
    la défense puis entérinées par le tribunal.
  • Il existe un écart entre les perceptions des procureurs et des juges, et l’expérience des personnes assujetties aux conditions et celles qui les représentent. Alors que les juges et les procureurs sont d’avis que les conditions imposées
    sont raisonnables et justifiées, les personnes qui y sont assujetties les jugent exagérées, incompréhensibles et parfois arbitraires (sans lien avec l’infraction).
  • Les juges et les procureurs sont généralement convaincus de la pertinence et de l’efficacité des conditions jugeant qu’elles préviennent la récidive, assurent la présence au tribunal et soutiennent la réhabilitation des personnes qui y sont assujetties. Par contre, ils émettent certains doutes quant à leur efficacité dans le cas des personnes itinérantes et marginalisées. Les personnes marginalisées croient que les conditions engendrent de la récidive en raison des multiples bris de conditions, les éloignent des ressources nécessaires à leur survie, leur travail ou leurs activités politiques et augmentent les risques de mauvaises rencontres avec les policiers et les possibilités de détention.
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