[Lettre ouverte] Conception pédagogique rétrograde

Avr 2, 2015 | Profilage politique, Archives des événements passés

Monsieur François Blais, député et ministre de l’Éducation,

J’ai pris connaissance avec consternation de vos propos sur la prétendue valeur pédagogique des sanctions [http://www.lapresse.ca/actualites/education/201504/01/01-4857421-greve-blais-suggere-dexpulser-2-ou-3-etudiants-par-jour.php].

Après un ministre de l’Éducation qui nous expliquait qu’on ne meurt pas de ne pas avoir de livres et qui proposait des fouilles à nu respecteuses, en voici donc un nouveau qui nous explique que la punition à une valeur pédagogique : à quand le retour des punitions corporelles à l’école ?

Non seulement vous infantilisez des acteurs sociaux, soit un mouvement social composé de citoyennes et citoyens (qui peuvent être aux études, mais qui n’en sont pas moins des citoyennes et citoyens), en empruntant à la fois un ton paternaliste («on fait ça avec les enfants…») et disciplinaire rétrograde, mais vous encouragez ouvertement les directions d’établissement à instrumentaliser à des fins politiques des mesures disciplinaires, en expulsant «2 ou 3 personnes» (pourquoi pas 4 ou 5, ou 9, comme à l’UQAM?), non pas tant pour les sanctionner de faits commis, mais bien parce que «ça refroidirait […] les ardeurs de certains» et donc pour faire «réfléchir les autres».

Vous prônez donc une punition exemplaire, non pas tant pour punir des fautifs, mais pour effrayer les autres, en pleine mobilisation sociale.

Outre que vos propos sur la valeur pédagogique des punitions sont indignes d’un ministre de l’Éducation (et d’un ancien professeur d’université), l’instrumentalisation politique que vous faite vous même des mesures disciplinaires est scandaleuse.

Évidemment, avec un tel raisonnement, on justifie aussi la brutalité policière : crêvons les yeux d’un ou deux manifestants par jour, pour refroidir les ardeurs des autres…

Puisque le mouvement social dont vous encouragez la répression se mobilise contre les politiques d’austérité de votre gouvernement, j’en profite pour vous demander : quand votre gouvernement proposera-t-il enfin un «revenu garanti pour tous», projet auquel vous aviez consacré votre carrière intellectuelle avant d’accéder au pouvoir, lieu d’où vous pouvez enfin mettre en application vos projets philosophiques. Une telle politique serait certainement plus utilie à la société et aux étudiantes et étudiants, et même aux enfants, que vos déclarations autoritaires encourageant la répression politique.

Désolé s’il y a quelques coquilles dans ce message, il a été écrit dans l’urgence, entre une manifestation contre l’austérité et une assemblée départementale.

Francis Dupuis-Déri
Professeur de science politique
Université du Québec à Montréal (UQAM)

https://politique.uqam.ca/corps-professoral/professeurs/162-dupuis-deri-francis.html

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