Ce mémoire s’intéresse à l’expérimentation de la stigmatisation territoriale vécue par les jeunes de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, et plus largement par toute la communauté racisée de l’arrondissement, dans le cadre du dispositif pénal. Il se situe dans un contexte marqué par la multiplicité des discours politiques et médiatiques qui insistent sur les manifestations de délinquance et de violence des jeunes des territoires du Nord-Est de Montréal. Au début de la démarche, il a été proposé d’étudier la prise en charge des jeunes de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles dans le système de justice pénale pour les mineur.e.s e en considérant les expériences cumulatives de la discrimination dans toutes les sphères de leur vie (National Research Council 2004). Le concept de la stigmatisation territoriale (Wacquant 2006) a également été mobilisé pour reconnaitre la spécificité de leurs réalités objectives et symboliques. À partir d’entretiens réalisés auprès de 15 jeunes et intervenant.e.s qui habitent l’arrondissement, les données ont toutefois révélé que tous les rapports sociaux du territoire étaient fortement conditionnés par un imaginaire associé à la délinquance, et que les jeunes Noir.e.s étaient spécifiquement ciblé.e.s par les discours et les interventions répressives indépendamment du fait qu’iels soient judiciarisé.e.s ou non. Ainsi, les mécanismes développés en réponse à la stigmatisation sont devenus notre objet d’intérêt central. Les récits de vie se sont transformés en récits de quartier, et nous avons développé une lecture du dispositif pénal du territoire qui doit être appréhendé indépendamment des comportements criminels et judiciarisés, et plutôt comme le résultat des processus de stigmatisation avec lesquels tous les jeunes et leur communauté doivent quotidiennement composer. Appuyé par un nouveau cadre conceptuel inspiré de la théorisation du stigmate de Goffman, nous avons observé la complexité des relations et des représentations qui figurent dans le dispositif pénal et nous avons étudié les mécanismes développés par les participant.e.s pour s’y adapter. S’iels semblent par moment incarner et reproduire certains stigmates, iels illustrent également les contraintes symboliques et institutionnelles qui pèsent sur elleux et le désir de s’en détacher. Nous avons ainsi pu traduire les conséquences de ce dispositif sur les trajectoires des jeunes en fonction d’une vision limitée de leurs opportunités et des stratégies déployées pour élargir leurs perspectives sociales.